De la distribution à la finance, l’assurance ou la production de biens, les métiers ont de tous temps été intimement liés aux technologies disponibles. Si parfois il ne s’agit que d’outils au service d’un métier préexistant, la maturation des technologies conduit à terme à transformer les métiers, parfois de façon radicale. Les technologies façonnent les métiers dans une large part, et les organisations qui y contribuent en tirent un avantage.

Dans ce contexte, les technologies numériques ont amené une vague d’automatisation des opérations de gestion des entreprises mais sans encore en exploiter tous les potentiels. Repenser son activité pour tirer pleinement profit de ces technologies est précisément un des enjeux forts des transformations digitales des entreprises établies, ainsi que des startups qui les concurrencent.

Déconstruire, introduire une déviance, reconstruire

L’existant d’une activité provient de toutes les décisions prises au fil des années, au regard d’un contexte qui a changé depuis. Les améliorations successives étaient [OR1] pour beaucoup contraintes par celles qui les précédaient. C’est ce que la théorie appelle une “évolution dépendante du chemin”. De temps en temps, il faut sortir du chemin et oser le hors-piste, en arrêtant de penser dans les termes de l’existant.

Cette idée implique de déconstruire l’existant pour retrouver les raisonnements fondamentaux derrière les processus métier ou derrière leur représentation dans les systèmes automatisés. Une fois ceux-ci identifiés, nous sommes en mesure d’en comprendre les contraintes associées et d’identifier celles qui ont changé, par exemple grâce à la technologie qui a déplacé une contrainte.

En se posant la question « que reste-t-il des contraintes héritées dont on pourrait se débarrasser ? » ou inversement : “que permet la technologie qu’il était impossible de faire avant ?”, il devient possible de sortir de la simple amélioration marginale et de la reproduction automatisée des processus métier existants, L’accès à de l’expertise métier est un prérequis pour tout cela.

Le partage d’expertise comme règle du jeu

Collaborer entre experts de spécialités distinctes pose des défis particuliers, même avec toute la meilleure volonté et un profond respect mutuel. Pour faciliter cette collaboration, certaines pratiques sont contre-productives. Vulgariser avec des métaphores, qui est une pratique utile, n’est néanmoins pas suffisant pour permettre à un interlocuteur novice de challenger le status quo. Une autre pratique est de ne communiquer que les conséquences détaillées des raisonnements au lieu des raisonnements eux-mêmes.

Dans une démarche d’évolution du métier pour mieux exploiter le potentiel du numérique, ces pratiques sont contre-productives, car les opportunités d’amélioration les plus déterminantes sont justement au niveau des raisonnements métiers, dans leurs détails.

Une pratique pour une collaboration plus efficace consiste donc à partager toute la connaissance métier sans retenue entre les différents experts, jusqu’aux évidences et aux hypothèses sous-jacentes, et cela au fil des réflexions et des boucles d’expérimentation successives, dans l’esprit de l’agile.

Métier et technologie, deux parties indissociables du “business”

Il est primordial de considérer la technologie et le métier, au sens de “business”, comme un tout à ne surtout pas séparer, pour permettre leur co-évolution. La technologie devient un aspect structurant du métier, au-delà d’un simple outil.

L’idéal est d’avoir des personnes de chaque expertise qui travaillent ensemble de façon proche et fréquente, à la manière d’une équipe de compétences mixtes. À titre d’exemples, dans des startups comme la néobanque Swan ou des scale-up comme le néo-logisticien Cubyn, les leaders techniques sont des experts métier en puissance, tandis que les leaders métier démontrent une pertinence sur les enjeux techniques essentiels.

On écartera donc absolument l’idée de déléguer la partie technologique à des équipes spécialisées qui exécuteraient les idées et décisions prises par des équipes exclusivement métier. En effet, exploiter le plein potentiel des technologies exige des optimisations globales, donc au-delà des optimisations locales par spécialités.

Chercher l’inspiration au-delà de ses concurrents

Se comparer uniquement à des entreprises du même métier ou du même secteur finit par restreindre les opportunités. En ce sens, il est recommandé de s’inspirer d’autres univers et d’emprunter leurs pratiques même lorsqu’elles n’ont pas encore été adaptées pour son métier.

Certaines entreprises  réinventent par exemple la logistique en s’inspirant des pratiques Lean de la manufacture automobile ; dans un autre registre, la démarche “Continuous Accounting” réinvente la comptabilité en parfaite correspondance avec les principes de la Livraison Continue du monde du développement logiciel. Les mécanismes issus de la finance de marché continuent d’inspirer d’autres industries en remplaçant des méthodes historiques de planification.

La diversité des expériences des équipes est bien entendu un avantage pour cette démarche.

Développer un appétit insatiable pour le changement

Trop souvent les transformations digitales se résument à préserver l’existant en automatisant davantage au moyen des dernières technologies. C’est pourtant en arrivant à se détacher des processus métier actuels qu’on libère les plus gros bénéfices de ces transformations. Sans faire table rase, il s’agit de dépasser certaines croyances actuelles pour en construire de nouvelles.

Les entreprises ont donc à gagner à repenser leur métier à la lumière du potentiel des technologies, au-delà de simples améliorations à la marge. Le sens de l’histoire montre une accélération générale des changements, souvent sous la pression des technologies. Il ne s’agit donc plus de changer son métier une fois pour toutes, mais d’apprendre à le faire puis à réitérer de plus en plus fréquemment, jusqu’à ce que ce processus devienne une véritable seconde nature. En ce sens les startups ont l’avantage d’avoir de l’appétit pour les technologies et pour remettre en question l’ordre établi. Tandis que les entreprises bien installées ont celui de la connaissance et de l’expérience de leur métier, à condition de pouvoir sortir du piège des habitudes et certitudes.

REDACTEUR

Cyrille MARTRAIRE est CTO, co-fondateur d’une entreprise de 90 développeurs, auteur d’un livre et orateur régulier international, et il a créé une communautés technique forte de 4000 membres. Il a accompagné des transformations dans des entreprises de toutes tailles, des startups aux leaders du CAC 40, dans des secteurs allant de la finance au tourisme, à l’interface entre les managers et les équipes techniques.

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